Je Me Présente

Oeuvre déclinée de Khafaqan, Je Me Présente est traversée par une mémoire d’enfance marquante : celle du film Kwaïdan de Masaki Kobayashi, où l’effacement devient une esthétique de la disparition, et celle encore plus intime et plus traumatique pour Mozhgan, de la perte du visage maternel parmi des silhouettes anonymes couvertes de chadors noirs.

Dans Je me présente, Mozhgan Erfani met en scène un visage féminin voilé, dissimulé derrière des mains, à la fois écrans, barrières et confessions. En trois mouvements photographiques, les mains deviennent un espace d’inscription : d’abord nues, elles cachent le visage comme une protection pudique. Puis elles se couvrent peu à peu de calligraphies persanes, jusqu’à être entièrement noircies par un mot répété : « Khafaqan » signifiant suffocation, oppression.

L’identité se fragmente à mesure que le noir gagne la peau. Ce même processus d’effacement, amorcé dans Khafaqan, prend ici une forme plus frontale : c’est le regard du spectateur lui-même qui se heurte à l’impossibilité d’accéder au visage, au nom, à l’individualité. Le mot, répété jusqu’à saturation, se substitue au corps, au langage, au droit d’exister.

Le titre Je me présente devient une provocation douloureuse, presque ironique : la présentation ne se fait pas par dévoilement, mais par effacement. C’est une apparition à travers l’invisible, une affirmation malgré l’effacement.