Statement
Ma pratique artistique s’inscrit dans une poïétique de la résistance. Loin de se limiter à l’expression, elle s’ancre dans une démarche de recherche incarnée, où le geste artistique devient subversion, mémoire et transformation. Née en Iran peu avant ce que l’on nomme la révolution de 1979, que je considère comme une sédition, je grandis dans une société façonnée par le patriarcat et la censure du corps et de la voix. Très tôt, mon expérience du corps féminin devient un lieu de tension, de silence imposé, mais aussi de transgression symbolique.
Ma pratique artistique entre art vidéo, performance, installation et photographie explore les lignes de fracture entre visibilité et effacement, entre voix absente et gestes persistants. Les silences captés, les répétitions incarnées et les fragments de mémoire s’articulent dans une grammaire visuelle nourrie par une résistance féministe, explorant les zones grises et les ambiguïtés du sensible et la poétique du seuil.
Depuis ma surdité brusque et profonde en 2013, ma relation au silence et au son s’est transformée. Ce « Silence » qui était auparavant une métaphore politique est devenu une expérience sensorielle vécue, un territoire à la fois contraignant et libérateur. Cette transformation m’a conduite à explorer des modes alternatifs de communication, gestes, vibrations, textures visuelles, dans une recherche interdisciplinaire croisant art, science et philosophie.
Mon travail actuel puise dans cette double expérience : celle d’un corps féminin traumatisé confronté à des normes de contrôle, et celle d’un corps sourd qui réinvente sa place dans un monde dominé par l’écoute normative. J’essaie de générer des formes sensibles qui accueillent l’ambiguïté, la dissonance et la mémoire sourde. Il ne s’agit pas tant de représenter que de faire résonner. Mes œuvres créent des ponts entre l’intérieur et l’extérieur, entre souvenir traumatique et résistance incarnée.
À travers cette démarche, j’invite le·la spectateur·rice à habiter ces seuils, à ressentir l’espace où le visible rejoint l’invisible, où le sonore frôle le silence, où la douleur s’infiltre de beauté. Ces espaces sont politiques, intimes, et toujours poreux.